domingo, 29 de junio de 2008

Camelias


Título: Camelias

Sinopsis:
Una mujer atraviesa las fronteras de lo onírico en un acto de desprendimiento interior.
Es una visión acerca de la naturaleza y el despojo del cuerpo.

Equipo Técnico:
Dirección: Daniela Muttis
Performer: Carolina Mantovano
Asistencia de dirección: María Luz Gil
Dirección de Arte: Daniela Muttis
Dirección de Actores: Daniela Muttis
Dirección de sonido: Nicolás Diab
Música: sonido ambiente
Edición o Montaje: Daniela Muttis

Datos del Cortometraje:
Nombre: Camelias
Genero: Experimental
Color o Blanco y Negro: Color
Formato Original: MiniDV
Sonido: (Mono, Stereo o Dolby etc.): Stereo
Duración: 7’ 49”
Idioma: solo sonido ambiente
Con o Sin Subtítulos: sin subtitulos
Año de Realización: 2006
Lugar de Realización del Corto: La Plata, Provincia de Buenos Aires
Norma: PAL
Productora: Ojos bien abiertos


Nota publicada en la revista Bref (Francia) mayo 2007
Autor Marc Mercier
Director del Festival Instant Video de Marselle


(dé)plantations d’images

Il y a des images qui sont des jardins qui n’ont rien à voir avec ce que nous vantent les marchands de graines sur les marchés. Ces images arrachent nos fausses racines, nos dérisoires identités, nos risibles certitudes. Ce sont des herbes folles, affolantes. A voir, humer, respirer, méditer, savourer, caresser, ces trois jardins (suspendus au-dessus de nos mauvaises plantations comme on dit mauvaises fréquentations), ces trois vidéo de Marie Herbreteau (France), Daniela Muttis (Argentine) et Nahed Awwad (Palestine), il apparaît que l’essentiel de nos existences consiste à dépoter-libérer le sublime qui est en nous.

Les jardins doivent se méfier des plans d’occupation des sols, car les occupations (c’est historique) ce n’est jamais l’histoire de quelqu’un qui offre des fleurs à quelqu’un d’autre. Ou bien, c’est toujours l’histoire de quelqu’un qui ne sait pas ce que c’est qu’offrir ou recevoir un bouquet quand tout est gris dehors et qu’on voudrait que quelque part il y ait de la couleur même si cela ne se voit pas. Alors, il occupe le territoire de l’autre en imaginant, et c’est dur d’imaginer quand on n’a pas d’imagination, qu’il va conquérir son Eden, vous savez ce jardin promis dont le futur se conjugue au passé, et comme ce temps hybride n’a pas de mots pour le dire alors nécessairement le verbe se transforme en guerre. Une guerre lasse, parfois, quand il s’agit d’un couple qui a mal vieilli, qui a fané, parce que leurs yeux sont évidés de ce qui fait qu’une fleur puisse parfois s’y loger. Ils forment une nature morte.

Autrement dit le jardin (2006, 24’) est le titre d’une vidéo de Marie Herbreteau. Et cela commence par une citation de Fabien Vallos qui plante d’amblée le décor : « Saint Fiacre remplace Priape. Madame dit qu’il y a de quoi rire. Si Priape figure au jardin ce n’est certainement pas pour protéger les légumes, il faudrait être naïf. Il figure au jardin parce qu’il maintient la nudité et la bandaison cachées, secrètes à l’abri des murs et des regards. Au pire ça effraie les oiseaux et c’est un épouvantail. Un jardin-privé, c’est donc des murs qui cachent la nudité, c’est tout. »
Priape n’est pas le fils de n’importe qui. Dionysos, excusez du peu. Il est souvent représenté pourvu d’un énorme phallus en érection perpétuelle. C’est des Romains que provient l’habitude de placer sa statue en bois dans un jardin pour faire fuir les mauvais oiseaux. Un épouvantail, en somme. Certaines légendes prétendent que malgré ses attributs exceptionnels, il n’aurait jamais connu ni le plaisir ni la fécondité. Il aurait cependant une fraternité physique avec les ânes, à cause de la taille respective de leur membre viril.
Oui mais voilà, les temps ont changé et l’on préfère l’évêque Saint Fiacre, patron des jardiniers, à Priape. Son attribut est plus anodin, une bêche. Les enfants de Dionysos ont la vie dure ! Et c’est là que la vidéo de Marie Herbreteau trouve toute sa pertinence. Car son jardin est en friche. Madame l’aménage. Un bassin. Des graines. De quoi repulper le langage des fleurs et des fruits. Les marguerites sont aimées car elles s’agitent. Il s’agit de quoi ? Il s’agit de s’agiter comme quand on danse parce que la danse attire la musique comme le suc l’abeille. On y apprend que le dictionnaire fait précéder « Amour » par « Amortisseur », histoire d’amortir le choc de celui qui tombe en pamoison. A ce jeu, on le sait, « Vidéo » est précédé de « Vide », et lui succède « Vide-ordures ». Faut bien se tenir pour ne pas choir. Mais pas plus que l’amour, la vidéo n’a besoin de cette sagesse. Tous deux en imposent à la seule expérience d’exposer leur fragilité. Herbes folles, assurément, qu’on enfermera peut-être comme on incarcère les fous. Madame a de drôles d’allures dans son jardin qui pourrait être une arène, elle esquive les cornes de la lumière, la trajectoire des pommes qui tombent, vacille sur les pierres. Le jardin va-t-il la quitter comme une image abandonne ce qu’elle représente ? Tout jardin est l’histoire d’un drame qui n’oublie pas le parfum de ce qu’il fut.

Un chemin humide longé sur le côté droit par une clôture de fils de fer, certains sont barbelés. Une jeune femme marche et dépose sur les pics acérés des camélias. Plus tard, elle s’en lave les mains, les écrase, les déchire, lentement, très lentement. Elle en prend d’autres, les entasse, les embrasse (les prend dans ses bras), les serre contre son sexe, son ventre, les malaxe. Les fleurs s’élèvent du sol comme par enchantement pour rejoindre ce fouillis écarlate. C’est une vidéo-performance de l’Argentine Daniela Muttis, Camelias (2006, 7’40). On regarde, on n’imagine rien. C’est comme si cette action accomplie par Carolina Mantovano se déroulait après les temps de saturation des significations que nous vivons aujourd’hui. Une action du temps d’après. Crue. Nous sommes dans la nature, surtout pas un jardin, pire qu’un jardin, pire qu’un parc… Une nature dénaturée. Quelque chose sans queue ni tête. Mêmes les camélias sont équeutés. Il reste ce corps qui semble venir de nulle part pour aller nulle part. Il y a quelque chose de beau dans ce corps. Son absence, peut-être. Il est là et pas là. Comme si un événement qui précède l’action, mais dont nous ignorons tout, lui aurait interdit toute socialisation. Elle est fleur, elle-même. Imperturbable. Délicate. Blessée mais plus que jamais vivante.

En 2003, Nahed Awwad a réalisé une vidéo qui témoigne d’une installation incroyable, et de son contexte, réalisée par l’artiste palestinienne Véra Tamari : Going for a ride ? (15’).
Nous sommes en avril 2002, l’armée israélienne envahit des villes sous contrôle de l’Autorité Palestinienne. Ils tuent des gens. Ils démolissent des maisons, défoncent des routes et détruisent des véhicules. Rien que dans Ramallah, entre 600 et 700 voitures ont été totalement écrasées par les tanks.
Soudain, les occupants se retirent de Ramallah. Véra Tamari fait alors construire sur un terrain vague, visible depuis une colline où trône une colonie israélienne, une route goudronnée qui va et vient de nulle part. Des camions viennent y déposer des cadavres de voitures. Des hommes les nettoient, font fonctionner les autoradios rescapés. Etrange jardin. Fleurs métalliques mortes, gorgées de souvenirs. Le 23 juin 2002, à 16h, l’inauguration peut avoir lieu.
Un peu plus tard, à 3 heures du matin, l’armée revient, impose un couvre-feu et ravage une fois de plus la ville. En roulant sur la route qui surplombe l’exposition, les tanks font basculer un véhicule qui, chutant, s’enflamme. Il s’ensuit une insoutenable lumière.
Planter des voitures meurtries quand plus rien ne laisse songer à la banalité d’un bouquet, c’est offrir un possible visage humain à ce qui fut ravagé. C’est l’essence de la poésie que de rendre à la terre sa beauté dérisoire. « S’il n’est pas possible d’accommoder un astre à la petitesse humaine, il est loisible à l’homme de s’en servir pour briser ses misérables limites. » (Georges Bataille).

Penser le jardin comme la scène d’un théâtre tragique où la mort côtoie le devenir inexorable des êtres et des choses. Se penser soi-même fleur pour se recueillir. Pour que nos mots, nos images, dépassent notre pensée. « Je ne sais pas si les fleurs ont choisi de devenir fleurs. Si oui, c’est un bon choix », dit Sylvie Laliberté dans son livre Je suis formidable, mais cela ne dure jamais très longtemps (2007). Se penser fleur et se penser arracheur de fleurs, simultanément. S’égarer dans son rêve, dans ses images, pour préserver l’instabilité de son désir dans les formes que l’on fixe. Se découvrir alors dans une forme arrachée à toute conceptualisation du plaisir. Une forme qui met les idées à l’épreuve du corps et le corps à l’épreuve des idées.
Ils sont ainsi les jardins des trois femmes dont je viens de parler. Ils refusent l’ordre des choses, la rigueur des systèmes de représentation auxquels nous sommes constamment soumis. Ils sont traversés par une délicate démesure : l’imagination poétique.
Marc Mercier (Mai 2007)